J'ai perdu mes yeux dans cet incendie, et depuis je ne suis plus le même. Elle non plus.
Je me rapelle très bien ce soir là. Il pleuvait. Elle pleurait. Les flammes rongeait les murs noircis de la maison, dévorant lentement mais sûrement les belles vignes vierges qui grimpaient autrefois sur les parois.
On avait allumé la cheminée, pour faire griller quelques légumes, qu'elle mangeait langoureusement, titillant les arrêtes du bout de la langue, tiraillant la croustillante surface de ses dents blanches et bien déssinées. On avait d'abord ramassé des branches qu'on avait lavé et taillées, pour pouvoir piquer les légumes dessus.
Le soleil se couchait sur les montagnes du Nord. La vallée d'automne prenait une teinte rouge flamboyant, sur ces derniers restes de chaleur naturelle, derniers lambeaux d'une lumière sanglante destiné à mourir pour mieux renaitre.
Et puis un coup de vent, et les flammes se sont mises à lécher les rideaux de velours pourpres.
Nous avons tenté d'éteindre comme nous pouvions, mais la maison était faite de bois, et tout à commencé à flamber ardemment. Je lui ais crié de fuir, sortir de la maison et appeller à l'aide, mais en haut de cette montagne enneigée, on ne pouvait pas faire grand chose. J'ai fouillé longtemps dans la maison pour trouver un portable, et quand je suis sorti, aveuglé par les flammes, et que j'ai ouvert mes eyux, il faisait noir. Elle à crié longtemps, et moi qui demandait qu'est ce qui se passait, avançant lentement vers l'endroit ou je pensais entendre les cris. Quand je l'ai pris dans mes bras elle pleurait, ne cessant de répéter "tes yeux... tes yeux...".
Elle m'a dit qu'ils avaient fondu. On a attendu, enlacés, l'arrivée d'un hélicoptère du SAMU.
Selon eux, j'ai eu de la chance de ne perdre que mes yeux. J'ai été fou, aventureux et suicidaire.
Maintenant, je l'entends marcher près de moi, anxieuse, elle tourne en rond, se mordant les doigts, rongeant ses ongles. Je ne sais même plus à quoi elle ressemble. Est elle grande ? Brulée quelque part ? Intacte ? Je n'ose même pas lui en parler, ses pleurs me déchirent déja le coeur chaque nuit. Malgré ma vue disparue, je la sens pourtant plus facilement. Son odeur enivrante, sa peau douce, sa respiration tranquille quand elle finit par s'endormir, son gout de pèche quand j'embrasse ses épaules... Mais même si elle est plus proche, elle est aussi plus froide et distante, elle tremble quand je la touche, et ne supporte pas de me faire face.
Je crois qu'elle ne m'aime plus.
à 23:40